Andres Blume enfin !

Enfin, vous êtes ici !

J’étais depuis longtemps persuadé qu’il ne pouvait pas en être autrement. 

J’attendais que fût donné enfin réponse à cette question qui me taraudait : l’abbaye, cette grande carcasse de vieille pierre, ce site tout dévolu désormais au loisir touristique, résisterait-elle au souffle de vos « Fers » ?  Ou bien, à l’inverse, les hautes façades allaient-elles écraser de tout leur hautain surplomb ces pièces, si loin de l’orgueil qui dicta l’érection d’un tel édifice démesuré dans un aussi humble village !

Sculptures pauvres sorties de l’humble forge d’un ferronnier de la garrigue, que me dites-vous, quelles raisons me donnez-vous d’oser parler, de mettre des mots au long de vos lignes que je devrais me contenter de regarder en silence ? 

Car rien n’est apparemment aussi simple que ce que nous voyons là.

J’entends la simplicité des éléments assemblés, du matériau, de la rouille si commune, des lignes presque sans torsion.

J’entends qu’il n’y a rien à décrire, rien qui ressemble à de la représentation à quoi si communément on attache l’art de la sculpture : un buste, un visage, un homme marchant, une femme allongée….

Mais oubliez tout ce que je viens de dire.

Car je suis dans le labyrinthe et, d’un fil d’Ariane, je commence à dévider la pelote.

Oxymore !

Je ne m’arrêterai pas au jeu que ce mot, en le décomposant, me permettrait de faire.

Oxy – more : la complémentarité et l’assemblage des contradictions.

Ces fers sont-ils tombés de quelque vieil azur ou ont-ils surgi nouveaux-nés de la Terre ?

Je ne cherche pas de réponse. Je veux seulement ouvrir mon regard.

Et c’est par flux que viennent les antagonismes accrochés les uns aux autres. Mais ce ne sont pas des images que je forme, plutôt des pensées, des idées, 

des figures du vide et du plein, 

de la chute et de l’ascension, 

de l’ouvert et du clos, 

du construit et du détruit, 

de l’inachevé et de l’achevé ,

du parfait et de l’imparfait,

du lourd avec le léger,

du fini avec de l’infini…

Je ne veux cependant pas donner dans l’illusion d’un vain jeu rhétorique. Je me défie de me perdre dans le labyrinthe où je me suis engouffré.

Décidément, qu’ai-je vu sinon de l’indécidable, cette part d’indécidable, d’ambiguïté, qui est ce par quoi se reconnaît la poésie ?

Cette tension qui jamais ne nous lâche, sans que pourtant nous souffrions, bien au contraire.

Je sais le désarroi de bien des regardeurs face à ces fers qui nous entourent ; mais l’art ne produit pas seulement des images, il crée aussi une dialectique, ici presque de la violence ET presque de la douceur.

Voilà ce qu’est pour moi aujourd’hui l’art d’Andres Blume : un champ/chant – entendez ce mot et imaginez comment je l’ai orthographié – un chant/champ de liberté …

Une tension dans… une tension vers…

La liberté, quoi !

                                                                                            Benoit Huppe