Exposition FER et HUILE au Domaine de Roueïre (34 Quarante)
Septembre-octobre 2004

La présentation d’œuvres d’Andres Blume et Gilbert Garcia est, de par sa multiplicité et son ambition artistique, l’exposition d’art la plus remarquable de l’histoire du Domaine de Roueïre.

La pinède qui abrite des sculptures d’Andres Blume apparaît comme un salon de verdure, une entité particulière dans la nature ambiante de pins, d’oliviers et de vigne.

La droiture des pièces habite ce bosquet de son énergie concentrée, la rouille éclaire la futaie, contraste avec le gris rose des troncs, le vert des buis.

‘Regarde-moi’ / ‘Effleure-moi’ / ‘Appuie-toi sur moi’… Un pays des merveilles où les objets sont eux-mêmes sens, et donnent un nouveau sens et une nouvelle identité à leur environnement.

Cette lame désespérée, arquée comme un personnage de Munch, crie son cri à l’olivier, et quelle parenté les unit ?

La grande salle de l’ancien chai réunit la puissance condensée de Blume et la lumière structurée de Gilbert Garcia. On pense à une église, statues de martyrs – force et douleur – et vitraux hiératiques.

Aucune œuvre ne se met en avant, et l’harmonie est palpable. Le fer dompté à force muscles et coups sur l’enclume, et l’huile qui toujours, par voiles, danse autour du blanc, se répondent. Le très terrien : poids, angulosité, corps à corps, griffes ; et le très solaire : vibration, luminosité, éclat, détails infimes.

Les sculptures d’Andres Blume expriment d’incessants paradoxes, fusionnant avec force des parties distinctes qui, imbriquées intimement entre elles, se restent étrangères les unes aux autres, parfois même séparées d’un infime rai de distance qui ne leur permet que de se frôler. Stables mais penchées, elles ont à la fois un équilibre architectural, le ‘tombé’ net d’un vêtement de haute couture, et un inconfort immanent.

Et puis, l’amour de la belle ouvrage, le fer rappelant le bois étonnent : on pense à des charpentes, une queue d’aronde inattendue assemble d’épaisses plaques de métal, les finitions sont impeccables – les lourdes et imposantes sculptures de Blume sont des bijoux d’exactitude artisanale.

Cette exactitude se retrouve chez Gilbert Garcia. Délicatesse du trait de pinceau qui, minuscule et multiple, aplanit ou crée le relief, lèche sans fin le laqué ou le mat, le glacé et le rayé, le net et le vibrant. Intelligence des couleurs : la touche qui, par son incongruité, pourrait réduire à rien le tableau entier, le parfait au contraire. Ici aussi, les paradoxes sont essentiels:  l’audace et la pulsation de la couleur vive dans un univers pastel, fuites et flous ouvrant les structures récurrentes, opposition des surfaces entre elles et lignes obstinées dans leur parcours de la toile, larges espaces de lumière irradiante traversés d’un élégant vortex d’énergie.

Dans la petite salle, on perd le fil de l’expo, en se réjouissant. Dédiée à Garcia seul, elle accentue son côté civilisé, les petits formats sont presque jolis. Colorés et palpables, ils proposent des scènes quasi figuratives, sans la profondeur méditative des grands tableaux.

Le pigeonnier, dernier espace de l’exposition, fait se rejoindre ultimement les deux artistes. De Garcia, plus d’huile, plus de nuances : de l’encre, noir sur blanc. Et des perspectives, falaises, canyons, autour d’un sujet qui s’impose finalement : la faille.

Et se groupent les visions des ruptures dans les sculptures de Blume, masquées apparemment par l’assise immobile du métal compact.

Et s’exprime ici avec force, dans les vents tournants du pigeonnier, l’unité de la double exposition, autour de la déchirure, de la séparation et de la réunion, du désir de vie et de l’ubiquiste finitude.

‘Deux âmes, hélas!, habitent ma poitrine’, chantent avec Faust Garcia et Blume, peaufinant le détail pour exprimer cette tension originelle, et l’exposition commune de leurs œuvres en apparence si différentes offre à cette tension un plan supplémentaire d’expression.